Une église, un trait d'union

C'est un mariage des plus réussis entre architecture contemporaine et patrimoine vernaculaire que consacre la petite église réformée de Budakeszi.

Contemporaine par l'asymétrie des volumes, le jeu des lignes, l'usage du pan vitré ; ancrée dans la tradition par son campanile transylvanien et son pan de toit pentu en chaume - l'usage massif du bois, en revêtement comme en structure, jouant un rôle unificateur.  

L'architecte, dont j'ignore le nom, a profité de la pente pour enterrer l'église à demi, lui conférant des proportions très humbles.
Un volume rectangulaire à toiture plate, prenant jour à hauteur du passant à travers des claies en bois, abrite la tribune ; la nef se déploie en sous-sol sous la toiture à double pente, moitié chaume, moitié verre ; l'autel est  lové dans un volume convexe à double paroi, cachant une verrière zénithale intermédiaire  - la lumière naturelle y entre à flot sans source visible, de manière très symbolique.

Un joli tour de force, tout en équilibre et sans fioriture.

Budakeszi Református Egyházközség temploma,
Fő utca 159, 2092 Budakeszi

Les trouées d’Ákos CZIGÁNY

Le jeune photographe hongrois Ákos Czigány s'est introduit dans les cours intérieures de Budapest pour en saisir les découpages du ciel. Une variation sur un thème à l'épure plus complexe qu'il n'y paraît au premier regard.

Un florilège architectural

Les amateurs de patrimoine peuvent s'en délecter. La série de clichés, fondée sur un protocole photographique rigoureux et efficace, s'apparente à un remarquable travail d'inventaire : d'un seul coup d'oeil les cours s'y révèlent dans toute leur diversité, avec leur plan régulier ou asymétrique, leurs coursières en encorbellement, leurs colonnades superposées, leurs oriels et leurs modénatures.
Mais "l'inventaire" en question est trop limitatif et ne réfère à aucune adresse. Surtout, l'esthétique et l'abstraction à l'oeuvre portent la série Ciels au-delà du documentaire.

Aux sources de la photographie

Ákos Czigány, dans l'intelligence de son média, pousse à l'extrême l'esthétique du contraste : noir et blanc, ombre et lumière, plein et vide, matériel et immatériel, en renvoyant à l'essence même de la technique photographique - celle du positif et du négatif. Jusqu'à troubler nos références quand les quatre façades d'une cour deviennent le cadre d'une image absente (2e cliché).

De l'abstraction...

Car les Ciels n'ont de ciel que le nom. Aucun nuage, aucune nuance atmosphérique, aucune temporalité, mais de pures trouées lumineuses, quasi irréelles, qui neutralisent des poussées géométriques implacables héritées du constructivisme : des perspectives ascendantes, convergentes et écrasantes, qui fonctionnent dans tous les sens et dont l'abstraction rejette l'humain à la porte de l'image, là où finissent précisément les coursières et où commence l'univers retranché des appartements.

Ces trouées, parce qu'elles ne sont pas l'empreinte d'un ciel photographié à tel instant en tel lieu, fonctionnent comme des hors champs en plein centre de l'image, et se répondent les unes les autres comme autant de fragments négatifs qui conditionnent la tension de l'oeuvre.

... à la sensibilité

Dans ce degré d'abstraction, c'est encore hors champ que point la sensibilité : l'homme est partout présent par son absence, à travers la bascule de son regard comme à travers le visage intérieur de son univers construit. Et Czigány de réintroduire ce rapport de l'homme à son milieu par une photographie - une seule - volontairement orientée, où le mur lisse devient sol, la cour corridor, la trouée porte (dernier cliché).

La série Ciels (Egek en hongrois), que l'Institut français de Budapest a exposée du 14 janvier au 18 février 2011, a valu à son auteur le prestigieux prix Lucien et Rodolf Hervé en 2010.



Le Grand Pari(s)

A l’initiative de l’Institut français de Budapest et du ministère de l’Intérieur hongrois, le Centre d’architecture contemporaine FUGA de Budapest accueille jusqu’au 18 avril 2011 l’exposition Le Grand Pari(s), fruit de la consultation internationale lancée en 2008 par le président Nicolas Sarkozy.



Les dix équipes pluridisciplinaires réunies autour d’architectes-urbanistes y livrent autant de scénarios sur l’avenir du Grand Paris, autour de deux grands chantiers : « la métropole du XXIe siècle de l’après-Kyoto » et le « diagnostic prospectif de l’agglomération parisienne », pour tendre vers une métropole plus dense, mixte, connectée, créative, efficace, juste et écologique.


Au-delà de l'image


L'exposition Le Grand Pari(s) se veut didactique mais demeure difficilement lisible pour le grand public, tant l’échelle et la juste complexité des projets défient la représentation visuelle, d'où l'importance accordée aux textes et aux interviews.
C’est d’emblée ce sur quoi a insisté l’architecte François Decoster, co-fondateur de l’agence AUC dirigée par Djamel Klouche, lors de sa conférence du 5 avril 2011 à l’Institut français de Budapest.

La métropole, les métropoles, parce qu’elles sont le résultat de sédimentations spatiales, sociales et économiques polymorphes et contradictoires, sont irreprésentables. Et comme telles elles échappent à tout modèle d’intervention préconçu : « la métropole de demain » existe déjà à 90%, bon an mal an, avec ses quartiers, ses infrastructures de transport, ses rythmes et ses déséquilibres propres.

Or il n’est plus question de poursuivre les politiques d’extension mais au contraire de reconstruire la ville sur la ville : friches industrielles, tissus urbains lâches, banlieues sont riches de potentialités.


Stimuler, recycler l'existant


Paris « stimulé », c’est ce que l’agence AUC prône modestement mais avec réalisme : un urbanisme de la transformation, du recyclage, du raccommodage, visant la polyfonctionnalité de chaque quartier (habitat, commerces et services, lieux de culture et de détente) autour d'espaces publics revalorisés et en sauvegardant, ou plus exactement en assumant l'héritage de chaque site. 
Des interventions au cas par cas, réfléchies grâce à la contribution d’historiens et de sociologues, mais qui doivent néanmoins être pensées dans une logique d’ensemble, celle de la « ville connectée » – là réside précisément le grand pari, celui de la gouvernance, dans un contexte d’émiettement administratif où les communes prennent leurs propres décisions d’urbanisme.


Une géographie de la traversée


François Decoster a particulièrement insisté sur la question des transports, problématique essentielle du phénomène urbain. Tout l’enjeu est d’opérer un changement culturel : revaloriser le trajet, la traversée des espaces, la pérégrination plutôt que promouvoir à tout prix la rapidité d’accès d’un point A à un point B ; repenser les gares, à l’origine conçues comme des monolithes en totale rupture avec le tissu urbain, à la manière d’espaces publics rassembleurs, riches d’activités, spatialement intégrés, et naturellement connectés aux autres transports publics ; enfin irriguer le plus possible les quartiers nouvellement desservis par le métro grâce à une offre de transports en commun souple et ramifiée.

Citons à ce titre un exemple de réseau de transport en commun parmi les plus efficaces au monde : celui de Budapest, parfois surnommée... le petit Paris.

Centre d'architecture FUGA, Petőfi Sándor u. 5, 1052 Budapest

Journées portes ouvertes à Budapest

Ce week-end du 18-19 avril 2011, à l'occasion du centenaire de leur construction, une quarantaine de bâtiments ont ouvert leurs portes au public dans le centre-ville de Budapest : écoles, musées, hôtels, mais aussi et surtout immeubles d'habitation, qui eux ne figurent pas au programme des traditionnelles Journées européennes du patrimoine.   


Une occasion unique de découvrir ce patrimoine de l'ordinaire, puisque les cours intérieures autrefois ouvertes (sous le régime communiste du moins) ne participent plus aujourd'hui de l'espace public, sécurité des habitants oblige.


Grâce à l'initiative conjointe de la Société des Archives et du Centre d'architecture contemporaine FUGA, halls d'entrée et cages d'escaliers, cours et coursières mais aussi combles et toits-terrasses étaient libres d'accès, au plus près du quotidien des habitants.  Tout un monde.


De haut en bas : Arany Janos u. 32 (cour intérieure sous verrière et toit-terrasse), Falk Miska u. 30 (grenier), Régi Posta u. 12 et Szentkiràlyi u. 10.